« Ladies and gentlemans veuillez m'écouter ! On se met à plat ventre et on feeerme sa bouche ! »

Sa voix chante alors que les balles de sa mitraillette percutent le plafond. La foule s'étale au sol, couvre sa tête de ses mains liées et geint de peur. L'homme ricane en les enjambant, reprend un appui incertain à chaque corps passé et manque de s'étaler de tout son long à plusieurs reprises, mais trop équilibriste dans l'âme il se redresse à chaque fois, arrivant au guichet où une jeune employée tremble de peur.

« Tu me remplis ça et vite tu seras … mignonne, oh et, essaie d'appuyer sur le bouton en dessous et je te laisse en vie avec deux mains en moins ; oki ? »
« Ou … oui compris ! »

Claquant paresseusement la langue il appuie un coude sur le comptoir et sifflote à mesure que les billets s'entassent dans le sac de voyage. Par terre on est guère plus rassuré ; l'homme est seul cette nuit … enfin, presque. La devanture de la banque est éventrée en un passage béant et non loin des corps allongés une énorme créature veille, grognant à fréquence régulière.

« Tu as dis que ça s'appelait comment déjà ? Ces billets vert ? »
« Des … dollars l'ami, le pire poison du système, pas de dollars pas de fonds et pas de fonds … pas de vie ! »
« Mouais ; ça change pas de l'époque où on payait en or. Le troc c'était pas mal en fait. »
« Bien de cet avis ! » Sourit le criminel, tendant le bras pour récupérer son butin. « Maintenant on va aller faire un … petit tour au coffre ! »
« Et eux là ? »
« Oh je compte sur toi pour leur apprendre à … faire la planche ! »

Il éclate de rire, fait signe à la guichetière de sortir pour le rejoindre et celle ci s'empresse d'obéir pour ne pas risquer sa peau inutilement. C'est bien une des seule banque que Jack Silverstone n'a pas braqué, encore dans les bons quartiers et il préfère celui où la vie est moins rose en générale. Mais il a besoin de renflouer ses caisses afin de payer la prochaine livraison que Rodrigez doit apporter. De là il lui colle le canon de l'arme dans le dos et la fait avancer après avoir adressé un signe on ne peut plus ridicule à son complice écailleux.

« Tarde pas ; j'en bouffe un sinon tellement j'ai la dalle. »
« On ira au Mc Do après ! » Lui lance l'homme, de loin.
« Jamais de la vie c'est dégueulasse là dedans ! »

Un nouvel éclat de rire lointain ; le Dragon secoue lentement sa grosse tête et darde un regard haineux sur les gens par terre. Humains sans intérêt qu'ils sont ; Jack est mieux, il n'a pas de limites, il n'est pas pleins de principes ridicules et de bons sentiments dégoulinants. Une fillette pleure, à moins d'un mètre de sa patte mortellement griffues et Gasoline penche le cou, arrêtant sa gueule pleine de dents acérées devant la petite tête rousse.

« Arrête de brailler ou je te mange ! »
« V...voui m'sieur dragon … » Répond-elle d'une petite voix, séchant courageusement ses joues.
« Bien. Lève toi un peu. »

Sous les yeux horrifiés de sa génitrice, l'enfant de redresse, et ses prunelles sont désormais pleines d'une admiration sans limite. Le Dragon de fer se met en position assise, considère la petite humaine qui arrange comme elle peut son manteau vert anis et son écharpe. Il y a dans les petits humains une notion de peur particulièrement réduite ; car ils n'ont pas pleinement conscience du danger et même si certains Dragons sont mauvais de caractère, les enfants viennent vers eux, subjugués. De quoi flatter leur ego plus ou moins grand.

« On redresse la tête et on ne pleure pas, ce sont les faibles qui pleurent. » Explique-t-il de sa voix tonitruante qu'il rend pourtant plus basse.
« D'accord. Mais … pourquoi il vole le monsieur dis ? »
« Bah … Parce que ça l'amuse. »
« Mais c'est mal ... non ? »

La créature semble sourire et dévoile ses dents aiguisées, luisantes comme des piques d'acier. Il se relève, entendant son compagnon revenir et passe son énorme patte sur la tête de l'enfant, la décoiffant un peu au passage. Une façon de la féliciter pour son obéissance.  

« On a tout G', alors tu n'as mangé personne ? » Questionne le balafré, l'arme calée sur son épaule et deux sacs à l'autre main.
« Non, et la fille ? »
« Enfermée dans le coffre ! On file de là maintenant. La cavalerie va plus tarder. »
« J'peux vraiment pas les attendre un peu ? » Demande sournoisement la créature, suivant Jack vers l'extérieur sans que personne ne songe à bouger.
« Hi hii mais bien sûr que tu peux ! Tu me retrouves à la … maison de toute manière. »
« Moi ça me va comme plan. »

Dehors, une voiture grand luxe d'un vert agressif. Volée quelques jours plus tôt et que Jack utilise désormais à chaque déplacement. Une véritable bombe sur roues cet engin, et ainsi Gasoline n'a pas à se préoccuper de son sort quand il vole au dessus. Jack balance ses sac et son arme sur le siège passager et s'engouffre dans le véhicule dont il ouvre rapidement la vitre, s'y accoudant.

« Si tu vois Duncan c'est comme d'habitude ! »
« Ouais ouais je sais, pas touche au flic … t'es amoureux ma parole. » Se lamente le dragon, ouvrant ses grandes ailes.
« Oh allons c'est bien pire que ça ; c'est mon … jouet préféré ! »
« Tordu va. » Mais il sourit, lâche un rire nasal et s'élance vers le ciel pour rejoindre le toit.

Silverstone rit en échos, met le contact et enfonce l'accélérateur, filant sur le bitume.      
Pas âme qui vive ou alors elles sont rares, il fait nuit, il ne fait pas très chaud par ailleurs et ça l'arrange car ainsi il peut rouler sans qu'on le dérange. Une chanson passe à la radio, le criminel monte le son à s'en arracher les tympans et braille les accords dans l'habitacle, battant la mesure sur son volant sans réellement regarder devant lui.
Quelle belle vie il a depuis l'apparition des Dragons. S'est-il amusé autant par le passé ? Oh non alors. La chasse à l'homme est aussi devenue celle des bêtes et ça flambe, ça explose : c'est un paradis d'enfer !  Jack est fou, de leur point de vue et il ne compte pas changer pour entrer dans le moule, ce serait bête. Le monde a besoin d'hommes de son acabit, pour renverser les choses, les bousculer, tordre le cou aux idées reçues et qu'on le craigne, il aime ça.

« J'adore ce boulot ! » Siffle-t-il entre ses dents, gloussant plusieurs rires aigus.

Mais alors qu'il voit le carrefour au loin, une forme surgit en plein milieu de la route, et il pile par réflexe, pour éviter de démolir sa précieuse carrosserie. Son cou craque légèrement quand l'arrière de sa tête revient heurter le siège, il grogne, se masse la nuque. Dans la lumière jaune des phares se dessine une femme sculpturale à la beauté exotique, peau dorée et cheveux carmins, taille mannequin … Bon sang elle aurait pu ruiner sa bagnole ! Contrarié, Jack empoigne sa mitraillette et s'extirpe du véhicule en claquant sèchement la langue contre son palais.

« Hey dis donc Paris Hilton ! Les passages cloutés c'est pas fait pour les chiens. » Lui crache-t-il d'une voix acide, rabattant la portière, arme à bout de bras. « T'as trente secondes pour foutre le camp, je serai magnanime puisque tes dents ont pas rayé mon capot  mais … va falloir remuer ton cul pour courir parce que sans ça tu vas prendre deux trois balles. »
   
Disant cela, il lève la mitraillette et la pointe en direction de l'oiseau rare. Il se fout bien d'ajouter un meurtre à sa longue liste d'actions criminelles, Jack n'est plus à ça prêt, il est sensé passer le reste de sa vie enfermé alors vingt ans à compiler avec les quelques six cents années d'incarcération qu'on lui a promis … ça ne change pas grand chose.

« Hey ! Tu t'actives ? Parce que sans ça tu vas pouvoir te payer un cercueil ! » Il rit, la plaisanterie est bien tordue. « Mais je peux tout aussi bien laisser ton cadavre dans une poubelle. »

Un sourire, sadique, il a le doigt sur la détente et décompte mentalement … bientôt, il tirera. Dix … neuf … huit ...
 

Ajikis ne comprenait strictement rien à ce monde où vivaient les humains. Etaient-ils vraiment bêtes ou le faisaient-ils exprès ? Certains disaient qu'il fallait faire attention à la nature, ce que Ajikis approuvait !, mais en même temps ils utilisaient des espèces de carrosse en métal puant la pollution à plein nez ! Il fallait être logique, enfin ! Si le problème c'était de se débarrasser des carrosses en métal, eh bien Ajikis le ferait pour eux ! Elle avait toujours eut envie de casser ces véhicules puants et bruyants ! Elle avait bien vu quelques humains tenter de les défoncer à coup de bout de bois étranges mais un bon coup de queue de dragon serait bien plus efficace ! Ça couperait la voiture en deux et hop plus de soucis ! Mais bon, les humains n'avaient pas l'air psychologiquement prêt à abandonner leurs carrosses... Ce que Ajikis ne comprenait pas puisque ces choses n'avaient même pas de chevaux pour les tirer ! Décidément les humains étaient vraiment bizarres...

La dragonne marchait dans la rue depuis le début de la journée et elle commençait à s'ennuyer ferme. Bon d'accord elle n'arrêtait pas de découvrir pleins de nouvelles choses comme les ''feux de signalisation'' qui en fait n'étaient pas des feux mais des lumières avec des formes étranges mais c'était quand même ennuyant ! Où était l'aventure ? Où étaient les chevaliers qui se mettaient en tête de lui voler son trésor, mauvaise idée d'ailleurs... Où étaient les princesses enfermées en haut d'une tour et attendant le prince charmant ? Où étaient-ils tous ces humains intéressants ? Non parce que là maintenant, les humains perdaient de leurs intérêt... Ils avaient toujours les yeux collés à un espèce de miroir affichant autre chose que le reflet ou alors ils parlaient tout seuls avec un bout de métal collé à l'oreille. L'humain devait bien s'ennuyer à cette époque...

« Hop hop hop mademoiselle ! Vous croyez aller où comme ça ? »
« Que me voulez-vous, garde ? »
« Vous pouvez traverser qu'au vert ! »
« Au vert ? Si l'on doit attendre que le ciel se teinte de vert pour circuler dans ce village, on ne va pas beaucoup avancer ! »

Le policier la regarda traverser sans comprendre ce qu'il lui arrivait. De toute sa carrière, c'était la première fois qu'il tombait sur un personnage aussi haut en couleur ! Hébété, le policier n'eut même pas le réflexe d'arrêter les deux gamins qui traversèrent en courant alors qu'une voiture arrivait. Cette dernière pilla net et Ajikis était déjà loin lorsque le policier repris ses esprits pour hurler sur les deux enfants.

Le soleil commençait à tomber et Ajikis marchait toujours dans la ville. Elle s'arrêta devant un magasin avec beaucoup de morceaux de viandes et y entra.

« Bien le bonjour, marchand. Je voudrais ce morceau de chair là-bas, je vous prie. »
« Bien sûr Princesse, mais va falloir m'payer ! »
« Vous payez ? En quel honneur ?! »
« Bah j'vous vend la viande, j'vous la donne pas ! C'pas parce que vous êtes charmante que j'vais faire une exception à la règle ! »
« Je ne vous ai pas donné l'autorisation d'être aussi familier avec moi, vile personnage ! Cette échoppe ne me satisfait pas, le service y est médiocre ! »

Et elle partit en levant le menton, hautaine à souhait. Eh bien tant pis ! Elle mangerait de la viande une autre fois, na ! Il faisait nuit noire lorsqu'elle entendit un rugissement mécanique suivit presque aussitôt d'une lumière éblouissante et d'un cri déchirant. Le carrosse, d'un vert hideux, s'arrêta à quelques centimètres de Ajikis qui hésita franchement à le détruire en milles morceaux.

« Hey dis donc Paris Hilton ! Les passages cloutés c'est pas fait pour les chiens. T'as trente secondes pour foutre le camp, je serai magnanime puisque tes dents ont pas rayé mon capot mais … va falloir remuer ton cul pour courir parce que sans ça tu vas prendre deux trois balles. »

Et un humain sortit du carrosse avec à son bras, un espèce de chose inutile que Ajikis pourrait briser entre deux griffes. Il se serait ramené avec une épée, Ajikis aurait au moins pu avoir de l'estime pour lui mais là... il était tout simplement ridicule.

« Hey ! Tu t'actives ? Parce que sans ça tu vas pouvoir te payer un cercueil ! Mais je peux tout aussi bien laisser ton cadavre dans une poubelle. »

Décidément cet individu était répugnant à souhait ! En plus d'avoir la face constellée de poudre rouge et blanche, il était aussi répugnant que les dragons de fer. Et puis surtout, il semblait se croire supérieur aux autres et Ajikis était bien décidé à lui prouver le contraire en l'avalant tout cru lorsqu'elle entendit un ''bang''. Sa réaction fut d'une rapidité surprenante pour quelqu'un qui venait de se réveiller d'un long sommeil à peine six mois plus tôt. La balle eut à peine le temps de sortir de l'arme que déjà Ajikis était en pleine transformation. Les balles se heurtèrent à ses écailles et la dragonne fit bouger quelque chose qui provoqua un véritable nuage de fumée et de poussière. Elle n'avait strictement aucune idée de ce qu'elle avait fait mais au moins, elle était sous sa forme normale et elle allait pouvoir croquer le misérable puceron s'agitant plus bas. D'un coup de queue, la dracosire explosa purement et simplement la voiture qui fut coupée en deux dans un gémissement déchirant. D'une pichenette griffue, Ajikis envoya les débris de voiture s'éclater contre un mur, plusieurs mètres plus loin. Prenant l'arme entre deux griffes, elle la broya de façon à ce que la chose ressemble plus à de la poussière qu'à autre chose. Et tout ça en quelques secondes. Elle s'apprêtait d'ailleurs à manger l'humain lorsqu'elle entendit un bruit trop familier. Elle redressa la tête et ses dents s'écartèrent de l'humain.

« Fantastique ! Il ne manquait plus que toi ! Tu ne pouvais pas rester croupir dans ton trou ?! »

Il a tiré, tant pis pour elle pense-t-il au moment où l'arme crache la première rafale. Mais la suite, il ne l'a pas vue venir, forcément. Sur le moment, il n'arrive même pas à bouger, comme si ses pieds étaient cimentés sur la route et le pire, c'est que c'est uniquement par surprise et sûrement pas par peur. Il regarde sa voiture se faire découper comme un pauvre morceau de viande sous le couteau du boucher, propulsé en arrière par l'onde de choc que provoque le véhicule soulevé de terre. Rapidement, il se redresse et n'a pas le temps de lever son arme que la dragonne lui arrache des mains pour la réduire en poussière. Alors là … elle est bonne ! Depuis quand les dragons jouent à l'humain ? Jack les pensait trop fier de leur race pour oser cela et il en est d'autant plus atterré.

Au dessus de lui une gueule grande ouverte, l'homme cligne des yeux, sans bouger. Nan il ne va pas finir comme ça tout de même ? Ce serait très con ! Pourquoi ne réagit-il pas plus d'ailleurs ? Tic tac tic tac ; le cerveau bug, il est paumé ; décontenancé. Mais alors qu'il sent le souffle brûlant de la créature sur son visage, une rafale de vent venue de l'arrière le réveille et bientôt son assaillante -anciennement victime potentielle- recule la tête quand Gasoline approche, se plantant férocement derrière Silverstone.

« Ajikis … désenchanté de te revoir. » Grogne la bête de Fer. « Je pensais bien que quelqu'un aurait transformé ta sale tête en chandelier mais visiblement, les nuisibles ont la vie dure. »

D'un mouvement de la patte, il pousse légèrement l'humain dans le dos pour l'aider à se remettre debout. Pas qu'il s'inquiète foncièrement de son sort mais Jack est sa principale source de distraction et Gasoline se plaît à le suivre dans ses délires. Ils sont complémentaires, et ne se laissent pas tomber.
Jack secoue la tête, passe une main sur son cou et constate que ses oreilles bourdonnent au point de rendre chaque son difforme, comme si on lui parlait sous l'eau. Il grimace, bat des cils pour chasser la poussière qui lui irrite les yeux. Il a bien failli crever et bêtement en plus. Le chaos l'aime bien faut-il croire, ce n'est pas son heure pour rendre l'âme.

« Putain ... »
« T'es entier ? »
« Ouais je crois … pas le cas de ma lamborghini ; c'est qui cette … traînée sans respect pour les belles carrosseries ? » Grince le criminel, la désignant d'un mouvement de menton. « T'as intérêt à t'arranger pour qu'elle paie pour la casse et au centuple ! »
« Tu avais volé cette voiture ... » Croit bon de rappeler le dragon.
« Rien à foutre ! » Beugle-t-il, allant récupérer les deux sacs de billets légèrement roussis mais heureusement pas carbonisés. « Fais lui bouffer ses dents ! »
« Ha ça. J'aimerai bien. »

Lentement, la créature avance, une expression souriante à la tête. C'est une vieille histoire que la leur, ils ont chacun brillé à leur façon, Gasoline pour les plus mauvaises. Ajikis avait l'honneur d'avoir défait un ancien et d'avoir ainsi gagné légitimement son territoire mais sa réputation, Gasoline l'a bâtie sur des carcasses, des morts par centaines et il était toujours parmi les premiers au front. Ils ne sont pas assez conciliants pour s'entendre, pas aptes à parlementer et ils n'ont guère plus de respect pour la race adverse. Se battre ici détruirait la moitié de la ville en une demie heure et loin du dragon de fer l'envie de voir débarquer une horde de Dragons mécontents pour le transformer en descente de lit. Même un dracosire de son rang finirait par être défait si une centaine d'autres dragons attaquaient en masse. Et un ancien viendrait l'achever à la fin … non ; pas de ça quand même.

« Alors comme ça, ton volcan a fini par devenir trop petit pour tes chevilles et ton ego démesuré, Aji ? » Il lui tourne autour comme un prédateur à la chasse, cynique. « À moins que tu ais commencé à t'ennuyer après avoir démoli Pompéi ? C'est vrai que ça date, mais tu n'as pas du voir passer le temps, trop occupée que tu étais à te mirer à chaque fois que tu croisais une surface polie. Oh et tu as très certainement du apprendre à compter en définitive à force de trier ton trésor, cupide que tu es. Une vraie femelle hein ? »

Jack tend l'oreille, pense bien avoir entendu une référence concernant un truc historique. Quoi cette … chose a détruit Pompéi ? Et ben … certains n'ont pas traversé les siècles sans faire de vagues de toute évidence. Et lui là ? Qu'a-t-il fait, mauvais qu'il est par nature ? Le criminel ne serait même pas étonné qu'il ait inspiré l'Hydre de Lerne. Sac à l'épaule, il regarde d'un air dépité sa pauvre voiture -ou ce qu'il en reste- soupirant entre ses dents. Bravo ! Il va devoir en voler une nouvelle dans la semaine …

« G' ! Tu peux pas la tuer qu'on en finisse ? » Baille-t-il, lissant son par-dessus d'une main.
« Et raser la ville ? On va nous tuer aussi, accessoirement. Pas très envie de crever pour elle ! » S'indigne aussitôt la créature aux écailles métalliques, lâchant un reniflement méprisant.
« Mouais … pas con. »
« Cela dit … entre nous ma vieille. » Reprend Gasoline, faisant machinalement claquer sa queue dans l'air. « Tu sais l'importance d'un trésor pour nous, ben eux ils en ont d'autres et il l'aimait bien sa bagnole. Franchement, t'aurais pu te contenter de vouloir le bouffer il aurait été moins sur les dents. »
« Hey ! »
« Bah quoi ? C'est la vérité alors hein ... »
« Pfu ... »

Haussant les épaules, Silverstone approche et vient se poser à la droite de son compagnon d'arme, toisant par dessous la bête rouge. Elle est plus élancée et un peu plus petite que Gasoline, son cou est plus long aussi et la couleur est radicalement opposée. C'est tout de même marrant d'observer les différences, se dire que finalement chaque dragon est unique même dans sa propre espèce. Ils sont en cela comme les hommes et les femmes du monde.

« Mouais … bon ben, on sa casse alors. » Lance-t-il, son sourire retrouvé.
« … T'es sûr là ? » S'étonne la créature, trop peu habituée de voir Jack renoncer.
« On peut pas tout casser, autant se barrer, je crève de faim en plus. »
« À qui le dis tu ... » Il se penche, attend que l'homme prenne place naturellement sur son dos.
« Bon ben … on va chercher des pizzas ! »
« Non ! On va au grill ! »
« Tu fais chier avec tes grillades ! »

S'ils ont oublié la dragonne ? Plutôt oui … et le sujet le plus important devient leur repas du soir.
La faim justifie les moyens dit-on ; ça doit être ça … oui.

« Ajikis … désenchanté de te revoir. Je pensais bien que quelqu'un aurait transformé ta sale tête en chandelier mais visiblement, les nuisibles ont la vie dure. »

Ajikis regarde le dracosire de fer d'un air hautain et réplique d'un ton mordant :

« Et moi qui espérais que tu avais pourris dans ton trou... Tu ne peux pas imaginer à quel point je suis déçue... »

Entre Gasoline et Ajikis, c'était une grande histoire d'amour : ils se détestaient purement et simplement. Les deux dragons se connaissaient depuis un bon millénaire et à chaque fois qu'ils se croisaient c'était explosif. Ajikis n'aimait pas la sale tronche de Gasoline et ce dernier le lui rendait bien. Qu'il soit dragon de fer ou pas, Ajikis s'en contrefoutait totalement : elle ne s'était jamais occupée de la race du dragon pour le détester. Il aurait pu être un dragon rubis que le résultat aurait été le même : ils passaient leurs temps à se provoquer tout en sachant parfaitement que si l'un abusait trop, ça allait finir en troisième guerre mondiale. Gasoline était puissant mais Ajikis n'était pas à sous-estimer et les deux ne le savaient que trop bien, c'était d'ailleurs aussi une des raisons pour laquelle ils s'appréciaient si peu...
Elle regarda le dragon de fer éloigner l'humain d'elle. Tiens l'humain ! Elle l'avait complètement oublié celui-là. Attendez une minute... depuis quand le ''Grand'' Gasoline s'occupait-il d'un humain ?

« Bah alors mon pauvre, t'es tellement désespéré que tu t'es trouvé un humain pour affronter le monde ? Et moi qui pensait que tu ne les supportais qu'en petits morceaux... Tu ne serais quand même pas devenu sensible à leurs... charmes... ? » dit-elle d'une voix moqueuse.

Gasoline était réputé pour avoir mangé un nombre impressionnant d'humains et si on disait du mal des dragons dans les légendes, c'était principalement de sa faute. Là où Ajikis s'était contentée de faire exploser deux ou trois volcans par-ci par-là, lui s'était appliqué à manger tous les humains qui croisaient son chemin. C'était à cause des dragons comme lui que les dinosaures avaient disparus ! Pfff ! Stupide bestiole !
Ajikis écouta d'une oreille distraite l'échange entre les deux individus en face d'elle. L'homme ne l'effrayait absolument pas et il pouvait grogner tout ce qu'il voulait, Ajikis n'aurait qu'à ouvrir la bouche pour le carboniser vivant. Ne jamais titiller celle qui a fait exploser le Vésuve... L'humain ordonna à Gasoline de ''buter'' Ajikis. Cette dernière ne connaissant pas l'expression supposa que ça veut dire qu'il voulait que le dracosire de fer la tue. Qu'il essaye tiens, ça serait amusant !

« Alors comme ça, ton volcan a fini par devenir trop petit pour tes chevilles et ton ego démesuré, Aji ? À moins que tu ais commencé à t'ennuyer après avoir démoli Pompéi ? C'est vrai que ça date, mais tu n'as pas du voir passer le temps, trop occupée que tu étais à te mirer à chaque fois que tu croisais une surface polie. Oh et tu as très certainement du apprendre à compter en définitive à force de trier ton trésor, cupide que tu es. Une vraie femelle hein ? »

Ajikis ne tique pas mais elle ne serait pas contre balancer sa queue dans la face du dragon de fer. Oh ce qu'il peut être insupportable quand il s'y met !

« Ne me confonds pas avec ces stupides dragons améthystes ou je te ferais regretter de t'être réveillé... »

Le feu à l'intérieur d'elle commence à chauffer sérieusement et elle ne serait pas contre lui cracher des flammes à la gueule, ça lui apprendrait à la sous-estimer.

« Mon trésor se porte très bien contrairement au tiens qui n'a... jamais existé !Et tu peux dire tout ce que tu veux mais ce n'est pas moi qui suis devenue le caniche d'un humain répugnant. Il est beau le dracosire de fer, même pas capable de se détacher de son cher et tendre humain... R-i-d-i-cu-l-e ! »

L'humain s'impatiente en bas. Tsss... Créature stupide...

« G' ! Tu peux pas la tuer qu'on en finisse ? »

Ajikis ricane en regardant l'autre abrutis de fer :

« Oh oui tue-moi donc, mon tendre. Sois un bon esclave et obéit à ton maître... »

Elle sent bien que Gasoline aimerait bien la bouffer toute crue mais elle s'en fiche totalement. Ce dracosire ne lui fait pas peur : il a un égo sur-dimensionné et il traine avec un humain. En quoi il pourrait l'effrayer, hein ? Elle les écoute discuter, parler d'explosion et ne relève même pas quand Gasoline dit qu'il refuse de crever pour elle. Qu'il l'attaque tiens et elle plaiderait la légitime défense et rusée comme elle l'était, les autres dragons l'écouteraient sans hésitation et le petit Gasoline-à-son-humain pourrait crever comme une merde.

« Cela dit … entre nous ma vieille. Tu sais l'importance d'un trésor pour nous, ben eux ils en ont d'autres et il l'aimait bien sa bagnole. Franchement, t'aurais pu te contenter de vouloir le bouffer il aurait été moins sur les dents. »

Ajikis renifle d'un air méprisant et laisse échapper un petit ricanement moqueur.

« Oh j'ai privé ton cher petit humain de son carrosse ? Tu m'en vois navrée ! Je m'en fiche royalement qu'il ait aimé sa ''bagnole'' ou non tout comme je me fiche de savoir s'il veut me tuer ou non. Je ne vais pas avoir peur d'un misérable puceron et puis s'il y tenait tant que ça à sa ''bagnole'' il n'avait qu'à en prendre soin. Je ne vais pas m'excuser pour le jouet d'un humain, manquerait plus que ça ! J'ai encore une fierté, moi. »

Quoique Ajikis ne comprenne pas vraiment l'intérêt de cette ''bagnole'' puisqu'il n'y avait pas de chevaux dedans... comment faisait-elle pour avancer du coup ? Mais il était hors de question qu'elle pose la question à ce duo de nuisibles ! Plutôt se mordre la queue !
Ajikis regarda Gasoline se baisser pour permettre à son humain de monter sur son dos et elle ne pu retenir un rire moqueur.

« Si tu te voyais mon pauvre... Tu es devenu bien pitoyable... »

Qu'ils s'en aillent, ça l'arrangeait ! Ajikis se fit la réflexion qu'elle allait aller chasser lorsqu'elle entendit de l'agitation. Immédiatement elle se re-transforma en humaine, juste à temps puisque des ''bagnoles'' avec des lumières étranges arrivaient. Ajikis ne s'était pas transformée par peur, oh non, mais bien parce qu'elle n'avait pas envie qu'on vienne la faire chier pour qu'elle adopte un humain. Elle était une des dracosire de rubis et devait donc montrer l'exemple mais sa fierté était trop haut placée pour accepter d'avoir un humain dans les pattes. Elle pensait que Gasoline était pareil qu'elle sur ce point là mais apparemment pas puisqu'il semblait être tombé amoureux de son humain à la face répugnante.

« Police ! Que personne ne bouge ! »

Bin voyons... Qu'est-ce qu'ils leur voulaient, hein ? Ajikis n'avait rien à se reprocher en tant qu'humaine donc le problème venait sans doute des deux abrutis derrière elle. Pfff... Bande de bons à rien !

Que ce soit Jack ou Gasoline, aucun n'a relevé les paroles de la femelle, car elles sont creuses. Ils ne s'aiment pas, au pire ils bossent ensemble et n'ont pas d'attaches. Gasoline n'aime pas plus les êtres humains que les dragons et se retient de les bouffer non pas pour plaire à Jack -qui serait peut-être heureux s'il tentait d'ailleurs- mais bien pour ne pas déclencher une guerre sanglante entre les races ; ce qui gâcherait considérablement la durée de vie et le plaisir de chacun.

Pitoyable dit-elle, Gasoline « sourit ». Oh non ; il a seulement une longueur d'avance. Il a saisi le monde et en comprend les codes. Ce n'est pas lui qui parle de carrosses pour désigner les voitures, il a rapidement appréhendé cette époque et s'il apprend encore quelques petites choses il n'y est pas perdu contrairement à d'autres … Puis il est connu de chaque Dragon qu'on apprend des autres créatures et les hommes sont chez eux, ils ont de quoi les affronter et finiraient par réduire leur nombre dans le temps si on les acculait. Grâce à leurs technologies toujours plus poussée. Gasoline a choisi son camp, mieux vaut garder proche de soit le pire du pire car c'est une carte de valeurs en temps de crise. Seuls les plus fous révolutionnent leur époque et Silverstone fait bel et bien partie de cette infime catégorie d'humains prenant plaisir à la destruction comme les plus primitifs dragons. D'autres finiront par lui emboîter le pas et si un jour une guerre éclatait, les plus mauvais humains tiendraient dans le rangs des plus mauvais dragons. C'est pensé, c'est calculé. Il n'en dira rien, mais ce sourire parle pour lui.

Tien, la cavalerie de flics. Ils n'y pensaient même plus … Jack laisse passer un rire moqueur à les voir sortir de leurs voitures ; ils auraient mieux fait de rester couchés.

« Silverstone écartez vous de cette femme ! » Hurle un policier dans son haut parleur.

L'homme lève un sourcil et ses yeux font plusieurs aller retours entre la -fausse- femme, les flics, la femme … non attendez là ils sont persuadés qu'il en a après elle ? Jack fait rouler ses yeux, descend du dos de Gasoline et on le braque de partout à peine a-t-il posé un pied à terre. La situation semblera ridicule à cette dragonne car elle doit estimer qu'on a pas de raison de craindre les humains, mais eux craignent Jack, ils en ont une trouille bleue. A cela le balafré lui répondrait qu'elle n'agirait pas autrement si le plus affreux dragon arrivait toutes dents dehors pour les avaler elle et les siens. Il est un poison pour ses semblables, juste ça et ça n'a rien à voir avec les Dragons. Chacun ses problèmes dira-t-il. Et lui est une épine énorme dans le pied du système.

Gasoline laisse filer un rire moqueur, redresse le dos et la fumée d'un feu digne des plus anciennes forges lui roule derrière les dents. Il a tellement envie d'un « poulet » rôti là tout de suite. Car Ruby a tort, le Dracosire de Fer ne s'est pas allié à Jack, ils ont seulement un accord. A se complaire dans le vice, à ennuyer le monde et pour tout dire, Gasoline se désole parfois de ne plus être au temps de César où il est persuadé que Jack aurait été porté aux plus hautes sphères. L'époque où les esprits de cette envergure séduisaient … pas comme aujourd'hui. Les humains ont peur de tout, ils sont devenus trop sages.

« Baissez votre arme et rendez vous ! »
« Ben voyons ; certainement m'sieur l'agent et je me menotte tout seul aussi ? » Rit-il, avançant assez pour se retrouver à la hauteur de la dragonne/humaine dont il prend le poignet.
« Lâchez la ! »
« Madame est avec moi, vous aurez la politesse de ne pas interrompre notre … rendez vous officier. »
« Silverstone vous ... »

Mais en moins de temps qu'il en faut pour le dire, Jack tire la belle qu'il projette sur Gasoline. Le dragon la réceptionne et referme sa patte autour d'elle, déployant ses grandes ailes. On recule, conscient que les armes ne sont pas assez puissantes contre le monstre de fer et Jack rejoint son acolyte, remontant sur son dos en riant juste avant que le Dragon ne s'élance vers les airs sous les regards bovins de la police en dessous. Eux sont persuadés qu'il a filé avec un otage, mais c'est loin d'être le cas.
Rapidement, la ville a défilé sous eux et battant plus lentement des ailes désormais, Gasoline pouffe de rire à entendre Jack qui se gausse de la mauvaise surprise qu'il a crée. Son regard porte sur celui -furibond- de la Dragonne transformée et il lève assez la patte pour qu'elle aille s'installer sur son dos à son tour. Ils ont une trop vieille histoire pour qu'il ne lui témoigne pas au moins assez de respect pour éviter de la balader comme un vulgaire paquet.

« Fais pas la tête Aji', si on t'avait laissée ils t'auraient embarquée pour un … heu Jack, c'est quoi déjà le nom de ce truc de police ? »
« Interrogatoire ! Et crois moi c'est … pas marrant du tout ! » Explique le criminel, les cheveux au vent nocturne. « T'aurais passé ta soirée dans leurs bureaux à répondre à leurs questions à la con. »
« Je les aurai bien cramé moi. J'ai trop faim … »
« Bah, y'avait pas Duncan donc c'est pas drôle. »
« Je me disais bien que t'es plus méchant d'habitude ... »

Ne relevant pas l'allusion, Jack se contente de sourire plus largement et d'allumer une cigarette. Le paysage est grandiose et les étoiles qui luisent dans la nuit noire sont plus brillantes que les diamants d'un bijoutier. Au dessus de leurs têtes, des voiles d'aurores boréales donnent des couleurs à la nuit et soufflant la fumée, Jack demande, le nez levé.

« Depuis combien de temps vous vous supportez ? Tout les deux ? »
« Hm ... » La créature de fer laisse filer un rire de gorge. « J'ai arrêté de compter depuis trop longtemps. Cela dit, la dernière fois qu'on s'est vu remonte à l'antiquité … Hey Aji', tu te souviens la bataille au dessus de l'océan au large de la Libye ? On a bien failli y rester mais qu'est-ce que c'était bon ! »

Un affrontement épique, leur unique collaboration et elle était forcée. Ils se battaient pour une histoire de proie volée, en pleine tempête au dessus des eaux quand avait surgi un Dracosire de Mer. Ils étaient plus jeunes à l'époque, et l'adversaire était énorme, décidé à faire d'eux un repas plus intéressant que les requins. Ensemble, ils avaient vaincus et avaient renvoyé le monstre par le fond, le tuant car en ce temps c'était la loi du plus fort. Oh ils en étaient sortis en piteux état mais victorieux et si personne n'avait jamais entendu parlé de cette histoire, c'était bien parce que dans leur fierté mal placée, ni lui ni elle aurait avoué que sans le soutient de l'autre … ils se seraient tout bonnement fait tuer.

« Silverstone écartez vous de cette femme ! »

Silverstone... Mouairf... C'est un joli nom pour une tronche aussi moche que celle de l'humain de compagnie du dracosire de fer. Quoique tête de pierre ça lui serait bien allé aussi. Ou mocheté ? Ou même truc-inutile-et-moche. Hum... Ajikis était tellement préoccupée par la recherche d'un nom qui correspondrait mieux au clown qu'elle ne fit pas attention à ce qui l'entourait. Lorsqu'elle sentit une main se poser sur son poignet, la dragonne hésita à se transformer pour écraser de ses écailles l’impertinent qui osait la toucher. Pour qui est-ce qu'il se prenait ce petit abruti de Silvertrucmuche de merde ?! On ne touchait pas la Grande Ajikis la Rusée comme ça ! Elle allait lui apprendre la politesse, tiens ! La dragonne s'apprêtait à reprendre sa forme draconnique lorsqu'elle se fit la réflexion qu'elle n'avait rien à faire de mieux et qu'ils avaient parlé de manger. Bon. Elle avait faim alors elle allait faire comme si elle n'était qu'une misérable humaine comme les autres. Mais que Silvertruc ne s'imagine pas qu'il avait un quelconque pouvoir sur elle ! Si elle l'avait voulu elle aurait pu l'écraser, cramer les policiers et tout ça avant même que le dracosire de fer n'ait le temps et sauver son précieux truc-moche. Ça n'aurait pas été une grande perte de toute façon !
En sentant les griffes du dracosire de fer se refermer autour de son corps humain, Ajikis sentit qu'elle avait fait le mauvais choix. Et alors que le dragon gris s'envolait, la dracosire rubis pesta intérieurement. S'il s'avisait de la laisser dans cette position toute la durée du vol, elle allait se retransformer et elle lui ferait comprendre qu'on ne la traitait pas de la sorte ! Elle s'apprêtait d'ailleurs à reprendre forme draconnique lorsqu'il leva la patte pour lui permettre de monter sur son dos. Ajikis n'hésita pas une minute et monta sur le dos du dracosire non sans prendre soin d'enfoncer ses ongles et de se faire la moins délicate possible. Évidemment que ça ne blesserait pas le dragon, qu'est-ce qu'un humain pouvait faire contre un dracosire ?!, mais au moins Ajikis lui faisait bien sous-entendre qu'elle n'allait pas oublier ce ''voyage'' de sitôt. Non mais oh !

« Fais pas la tête Aji', si on t'avait laissée ils t'auraient embarquée pour un … heu Jack, c'est quoi déjà le nom de ce truc de police ? »
« Interrogatoire ! Et crois moi c'est … pas marrant du tout ! T'aurais passé ta soirée dans leurs bureaux à répondre à leurs questions à la con. »

Gnagnagna ! Et ils allaient essayer de lui faire croire qu'ils lui avaient sauvé la vie ? Non mais oh ! Ils se prenaient pour des chevaliers maintenant ? Pfff !

« Ils sont aussi ennuyants que vous ces fichus gardes ! Mais si vous m'aviez laissée tranquille eh bien je les aurais mangé tranquillement ! Ce n'est pas comme si quelques idiots en moins allaient changer la face du monde ! Maintenant vous allez devoir me rembourser la viande qu'ils m'auraient procuré ! » dit-elle en haussant le menton d'un air vexé.

Non mais sérieusement ! Les gardes de cette époque étaient ennuyants et stupides ! Déjà ils s'imaginaient pouvoir faire peur aux mécréants avec un petit truc noir faisant beaucoup de bruit et en plus ils n'avaient pas d'armures ! Et ils pensaient vraiment combattre le mal avec des habits en tissus... Pfff.... Déjà qu'à l'époque des chevaliers, Ajikis n'avait aucun mal à les manger, mais là actuellement c'était encore plus facile ! Non parce que au moins avant ils essayaient de se défendre avec leurs petits cures-dents inefficaces mais aujourd'hui ils ne faisaient plus rien ! Il suffisait de voir leur absence de réaction lorsque Silvertruc avait embarqué la dragonne ! A l'époque on les auraient poursuivis et surtout on les aurait attaqués ! On ne se serait pas contenté de les regarder s'envoler avec la larme à l’œil ! Les humains étaient vraiment devenus peureux et inutiles !

« Depuis combien de temps vous vous supportez ? Tout les deux ? »
« Hm ... J'ai arrêté de compter depuis trop longtemps. Cela dit, la dernière fois qu'on s'est vu remonte à l'antiquité … Hey Aji', tu te souviens la bataille au dessus de l'océan au large de la Libye ? On a bien failli y rester mais qu'est-ce que c'était bon ! »

Ajikis lui lança un regard peu sympathique. Aji' ? Sérieusement ? Son nom c'était Ajikis la Rusée, pas Aji' ! Mince alors !

« Mouais... Tu as faillis y rester, moi pas ! »

Faux...

« Non bon c'est vrai qu'on était pas vraiment en pleine forme après ça. En même temps la mer c'est pas notre terrain et puis ce vieux croûton était vraiment tenace ! »

L'affrontement avait été particulièrement épique et la mer avait mis plusieurs semaines à se calmer après l'évènement. Ajikis était une dragonne rubis et la mer, ce n'était pas vraiment son élément. Qu'on vienne la défier dans un volcan et on avait aucune chance mais la mer... c'était pas vraiment la même chose. Gasoline et elle n'étaient pas des dragons de mer et en plus à l'époque ils étaient beaucoup plus jeunes. Ils n'auraient donc normalement dû avoir aucune chance lorsque le gigantesque dracosire de mer avait surgit comme un gros ver de terre. Pour dire vrai, ils n'auraient jamais dû s'échapper de cet affrontement mais le dracosire avait oublié un petit détail lorsqu'il avait vu les deux jeunots face à lui. En voyant une rubis et un fer, le dracosire s'était sûrement dit que ça allait être facile puisque les deux espèces ne pouvaient pas se sentir et il avait donc attaqué. Mais ce vieux croûton venait d'une autre époque et les deux ''jeunots'' n'étaient pas assez stupides pour ne pas s'allier. En fait Gasoline avait eut de la chance de tomber sur Ajikis tout comme cette dernière avait eut de la chance de ne pas tomber sur un rouge prétentieux. Les deux étaient suffisamment intelligents pour savoir où était leur intérêt et que s'ils voulaient survivre, ils leurs faudrait se battre ensemble. La jeunesse affrontant la vieillesse... ça avait quelque chose d'amusant quand on y repensait ! Le combat commençait à s'annoncer mortel pour les deux dragons lorsque Ajikis avait eut une idée de génie : la Rusée portait décidément bien son surnom. Elle n'avait pas eut besoin d'en informer Gasoline puisqu'elle savait bien qu'il comprendrait immédiatement ce qu'il devait faire. Ajikis avait arrêté d'éviter et elle s'était transformée en humaine. La queue du dracosire était passée largement au dessus de la petite tête de l'humaine et le vieux croûton avait été tellement choqué en voyant une dragonne prendre forme humaine qu'il en avait oublié de se méfier de l'autre dragon. Gasoline était passé derrière le dragon de mer et Ajikis avait repris forme draconnique. Les deux avaient craché du feu en même temps puis ils avaient achevé le dracosire. Oh dis comme ça, ça semblait particulièrement facile mais ça ne l'avait pas été du tout. Cracher du feu en pleine tempête, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus facile surtout quand la cible n'avait qu'à retourner sous l'eau pour éteindre l'incendie. Les deux dragons avaient dû user de tellement de ruse et d'énergie que Ajikis n'avait pas été capable de réfléchir pendant trois jours par la suite ! Ils avaient réussis à bloquer le dragon entre plusieurs récifs juste avant que Ajikis ne prenne forme humaine et lorsqu'ils avaient fait feu, il n'y avait pas assez d'eau autour du dracosire pour qu'il puisse s'enfoncer sous elle sans s’empaler sur les récifs. Oh oui ils avaient faillis y laisser la vie. Mais ça avait été amusant ! Enfin pas sur le moment, évidemment ! Ajikis se rappelait encore Gasoline et elle affalés sur la plage, ne pouvant plus bouger une griffe tant ils étaient blessés et épuisés. Depuis ce jour là, ils ne s'étaient plus vraiment revu. Ils avaient entendus parler de l'autre grâce aux légendes, aux rumeurs et mine de rien, Ajikis avait été plutôt ravie à chaque fois qu'elle entendait dire que Gasoline était vivant. Ils avaient partagés quelque chose d'unique et ça l'aurait embêté qu'il crève avant elle. Qu'il crève après elle aussi remarque... Eh bien ils mourraient ensemble, comme ça le problème serait réglé !

« Si je me rappelle bien, j'avais pris l'apparence d'une humaine avant le coup final... Décidément il semblerait que le destin nous fasse nous rencontrer à chaque fois que je suis sous forme faible. Je vais finir par mal le prendre ! »

Ajikis disait ça en rigolant car, oui, elle s'était calmée. Voir que le Silvertruc n'avait pas l'intention de la toucher à nouveau et que Gasoline ne lui avait pas manqué de respect l'avait adoucie... dans la mesure du possible évidement. Elle regarda le paysage défiler sous les ailes du dracosire : ce n'était pas désagréable de se faire transporter de la sorte.

« Eh bien je suis déçue. Tu n'es pas si rapide que ça ! Et dire que tu m'as tenu la griffe pendant trois décennies en affirmant que t'étais plus rapide que moi... Ce n'est pas évident quand on voit la lenteur à laquelle tu te traines ! »